Le Vlaams Belang (VB) est l’un des partis politiques les plus influents en Flandre, prônant des positions nationalistes et identitaires depuis des décennies. Né dans la continuité du Vlaams Blok, il a su capitaliser sur les frustrations flamandes vis-à-vis du gouvernement fédéral et des tensions communautaires belges pour gagner un électorat fidèle. Voici un retour sur son évolution, de ses origines controversées aux succès électoraux récents.
Les Ancêtres du Vlaams Blok : Les Mouvements Nationalistes Flamands, Voorpost et Taal Aktie Komitee
Le Vlaams Blok, précurseur du Vlaams Belang, puise ses origines dans divers mouvements nationalistes flamands. Dès les années 1930, des groupes comme le Frontpartij militent pour l’autonomie et l’affirmation de la culture flamande face à une Belgique perçue comme dominée par la francophonie. Dans les années 1950, la Volksunie (Union du Peuple) poursuit cette lutte autonomiste mais choisit des méthodes modérées de coopération politique.
Un autre acteur influent est le Voorpost, fondé en 1976. Ce mouvement nationaliste radical défend un projet de « Dietsland » (Grande Néerlande) et utilise des actions de rue pour attirer l’attention sur sa cause. En parallèle, le Taal Aktie Komitee (TAK), également fondé dans les années 1970, milite pour la protection et la promotion de la langue flamande dans les régions où le néerlandais est minoritaire. Le TAK organise des actions directes, manifestations et campagnes pour défendre les droits linguistiques des Flamands, jouant un rôle dans l’affirmation de l’identité flamande et influençant les débuts du Vlaams Blok avec son approche militante.
Ces mouvements forment le terreau du Vlaams Blok, marquant un tournant vers des revendications identitaires plus radicales qui se refléteront dans les positions ultérieures du Vlaams Belang.
La Naissance du Vlaams Belang (2004) : Une Nouvelle Stratégie
À la suite de la dissolution du Vlaams Blok, ses principaux fondateurs – Filip Dewinter, Frank Vanhecke, et Gerolf Annemans – fondent le Vlaams Belang, en s’engageant à éviter les propos discriminatoires qui avaient valu la condamnation du Vlaams Blok. Bien que le Vlaams Belang adoucisse légèrement son discours, il conserve les principes fondamentaux de son prédécesseur : indépendance de la Flandre, politique migratoire stricte et accent sur la sécurité.
Malgré une volonté de présenter un visage plus modéré, le Vlaams Belang reste marginalisé au sein du paysage politique flamand. Le cordon sanitaire est maintenu, les autres partis refusant toujours de coopérer avec lui. Cette période marque donc un recul pour le parti par rapport aux succès du Vlaams Blok, les électeurs étant moins nombreux à soutenir une formation politiquement isolée. Filip Dewinter continue néanmoins de jouer un rôle important, tout comme Annemans et Vanhecke, en insistant sur la question identitaire et la défense de la culture flamande.
La Crise Migratoire et l’Ascension Progressive (2010-2019)
À partir de 2010, le Vlaams Belang retrouve un élan. Deux événements majeurs contribuent à sa montée en puissance :
- La crise migratoire de 2015 : L’afflux de réfugiés et de migrants en Europe, en particulier après la guerre en Syrie, exacerbe les inquiétudes en matière de sécurité et de cohésion sociale. Le VB, ayant depuis longtemps mis en garde contre ce qu’il appelle les dangers de la « société multiculturelle », attire un électorat de plus en plus sensible aux thématiques identitaires. Ses appels à des politiques d’immigration plus restrictives trouvent un écho favorable.
- La polarisation politique et le mécontentement économique : Avec la polarisation croissante autour des questions de sécurité, d’immigration et d’identité, une partie de la population flamande, frustrée par les partis traditionnels, se tourne vers le VB. Ce mécontentement est amplifié par une perception de stagnation économique et de centralisation excessive des pouvoirs à Bruxelles.
Sous la direction de Tom Van Grieken, élu président en 2014, le VB entreprend une refonte de son image pour la rendre plus professionnelle et accessible. Van Grieken et ses collaborateurs parviennent à attirer un électorat plus jeune et sceptique envers les institutions belges, tout en conservant le discours radical du parti sur les thèmes identitaires.
Les Succès Électoraux de 2019 et l’Influence Grandissante
Les élections de 2019 marquent un tournant pour le Vlaams Belang, qui réalise un score historique. Avec plus de 18 % des voix en Flandre, le VB devient le deuxième parti de la région, juste derrière la Nieuw-Vlaamse Alliantie (N-VA), un parti nationaliste de droite plus modéré. Le succès du VB est attribué à sa capacité à capitaliser sur les inquiétudes en matière d’immigration et de sécurité, ainsi qu’à sa critique virulente de la gouvernance fédérale.
Le VB en 2019 se présente comme un acteur sérieux pour les électeurs flamands insatisfaits, tout en restant fidèle à son programme de base :
- Indépendance de la Flandre : Le VB soutient l’idée que la Flandre subventionne trop la Wallonie et serait plus prospère en tant qu’État indépendant.
- Contrôle strict de l’immigration et sécurité : Le VB prône l’arrêt de l’immigration extra-européenne et l’expulsion des migrants jugés inadaptés aux valeurs flamandes, associant l’immigration à des problèmes de sécurité et de cohésion sociale.
- Critique de la gestion de la crise sanitaire : Lors de la pandémie de COVID-19, le VB se montre critique vis-à-vis de la gestion fédérale, réclamant une autonomie totale pour la Flandre sur les décisions sanitaires.
En dépit de ces succès, le cordon sanitaire reste en place, et les autres partis refusent de coopérer avec le VB. Cependant, certains politiciens commencent à remettre en question cette stratégie, estimant que l’isolation pourrait renforcer encore davantage le parti dans un contexte de montée générale des populismes en Europe.
Critiques et Controverses
Le Vlaams Belang demeure un parti controversé, souvent accusé de populisme et d’incitation à la haine. Plusieurs de ses leaders, dont Filip Dewinter et Tom Van Grieken, sont associés à des personnalités et des mouvements d’extrême droite européens, attirant de nombreuses critiques pour leurs discours jugés polarisants. Bien que le parti tente de modérer son image, il est encore vu par ses opposants comme un facteur de division au sein de la société belge.
Les thèmes de l’immigration et de la sécurité, exploités de manière constante par le VB, continuent d’alimenter les débats en Flandre. Les opposants au parti soulignent que cette rhétorique contribue à un climat de méfiance envers les minorités et les immigrés.
Perspectives d’Avenir
Le Vlaams Belang, en pleine croissance, bénéficie d’un contexte européen favorable aux mouvements populistes et nationalistes. Si les tensions communautaires en Belgique persistent, le parti pourrait continuer à attirer un nombre croissant d’électeurs, avec des perspectives de coopération potentielles avec la N-VA sur des objectifs nationalistes communs.
Le VB espère à terme pouvoir former une coalition majoritaire en Flandre, particulièrement si les appels à une autonomie accrue se renforcent. Cependant, des obstacles importants subsistent, notamment le cordon sanitaire et la résistance des partis traditionnels.
Aujourd’hui, le Vlaams Belang représente l’une des plus grandes menaces pour l’unité de la Belgique, mettant en lumière les fractures profondes qui divisent le pays entre Flandre et Wallonie. Son ascension marque une période d’incertitude pour l’avenir politique belge, avec un paysage de plus en plus polarisé et des questions persistantes sur l’avenir de l’unité nationale.